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Jacques Delors
Pour une nouvelle dynamique dans le processus
d'intégration européen
Benjamin
Benz / Jürgen Boeckh / Ernst-Ulrich Huster
Le nouvel espace social "Europe".
Tendances du développement et options d'aménagement
Dirk Messner
Une puissance mondiale coopérative. L’avenir
de l’Union Européenne au sein de la nouvelle politique mondiale
Gerd Föhrenbach
Le partenariat pour la sécurité transatlantique
au seuil du 21e Siècle
Eric Teo
L’émergence du régionalisme asiatique
Hartmut Elsenhans
La mondialisation comme frein à la croissance
- Redynamisation par la politique du development
Christian Ahlert
Democr@tic-Global-Governance.net. ICANN
en tant que paradigme de nouvelles formes de politique internationale
dans le cyber-espace
Jacques
Delors
Pour une nouvelle dynamique dans le processus d'intégration
européen
L'intégration de nouveaux Etats membres dans l'Union Européenne complique
de plus en plus la tâche d'approfondissement de l'intégration de l'Europe.
Car bon nombre de pays membres ne seront pas en mesure de suivre le
rythme de l'intégration que les pays d'origine de l'UE sont aptes et
disposés à suivre. On court ainsi le risque que tout le processus d'unification
ne puisse pas devenir plus qu'une zone de libre-échange, ce qui est
d'ailleurs la volonté affichée de certains. Ceci ne serait pas à la
hauteur des défis auxquels nous serons confrontés avec la mondialisation.
Afin d'échapper au danger de la stagnation, les Etats membres qui sont
d'ores et déjà disposés à accepter un large degré d’integration vont
constituer une avant-garde qui s'engage dans la voie de l'intégration.
Par conséquent, ils devraient se rassembler au sein de l'Union actuelle
en une „Fédération Européenne“
qui soit ouverte à tout moment à de nouveaux membres de l'UE. Cette
fédération ne devrait pas être comprise comme un nouvel Etat national
européen, mais plutôt comme „fédération d'Etats nationaux“ qui sont
engagés en faveur du principe de la subsidiarité. Ce principe rendrait
la répartition des compétences entre les niveaux de gouvernement tributaire
de l'évolution des constellations de problèmes. La „méthode communautaire“
qui a conduit l'Union européenne à son stade actuel devrait aussi être
conservée à l'avenir. La combinaison soigneusement équilibrée entre
la souveraineté supranationale et la coopération intergouvernementale,
qui constitue le signe distinctif de l'Union, ne doit pas être considérée
comme une solution transitoire, mais comme l'atout véritable de l'Europe.
Elle allie la fonction des Etats nationaux en tant que générateurs d'identité
– et que rien ne peut remplacer jusqu'à nouvel ordre – avec la possibilité
de relever de manière appropriée les défis internationaux et mondiaux.
Benjamin
Benz / Jürgen Boeckh / Ernst-Ulrich Huster
Le nouvel espace social "Europe"
Tendances du développement et options d'aménagement
La Guerre Froide ayant
été surmontée, des perspectives s'ouvrent pour "La Maison Commune
Europe". Pourtant, dix ans après la chute du Rideau de Fer, on
constate que même si d'une part, on peut se rattacher à une tradition
commune, à côté de cela de nouveaux conflits peuvent éclater. Une imbrication
croissante se dessine entre les Etats en cours de transformation de
l'Europe de l'Est et les Etats de l'UE. Des structures et des processus
sociaux s'emboîtent dans ce nouvel espace européen
en cours de constitution dans trois domaines fondamentaux : premièrement
dans l'interdépendance économique entre l'Europe de l'Est et de l'Ouest,
deuxièmement dans la migration, et troisièmement dans les incidences
sur des domaines politiques importants, particulièrement la politique
tarifaire, sociale et fiscale. Tout ça se combine pour promouvoir une
transformation sociale de l'Europe qui est réclamée depuis longtemps
par les forces libérales et conservatrices. Puisque les politiques sociales
et fiscales restent en grande partie de la compétence des différents
pays, elles seront soumises au sein de l'économie européenne sans frontières
(pas vraiment mondiale) à une pression concurrentielle croissante. Elles
deviendront des moyens pour garantir et améliorer la compétitivité nationale.
Ici, la concurrence de pays à bas salaires de l'espace de l'Europe de
l'Est ne joue pas encore de rôle important jusqu'à présent. Elle est
néanmoins incluse dans la perception générale des sites en concurrence.
La primauté de ce type de politique de réduction des coûts contribue
à la polarisation sociale en Europe de l'Ouest. En même temps, on ne
voit pas de signes de ce que le différentiel de développement entre
l'Europe de l'Ouest et de l'Est soit en train d'être réduire. La conception
dominante de l'intégration des pays de l'Est dans un marché européen
global sans frontières ne fournit pas de levier politique pour atteindre
cet objectif. La polarisation géographique persistante entre l'Est et
l'Ouest va encore accroître la polarisation à l'intérieur de la société
aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest. Ce qui est nécessaire, c'est une politique
d'intégration alternative qui adopte des vitesses différentes toute
en s'appuyant sur des valeurs fondamentales communes qui doivent inclure
les droits sociaux fondamentaux.
Dirk
Messner :
Une puissance mondiale coopérative
L’avenir de l’Union Européenne au sein de la nouvelle politique mondiale
Depuis
le début des années 1990, l’Union Européenne commence à revêtir les
habits d'acteur de la politique étrangère. Néanmoins, les acteurs
européens ne pensent pas encore selon les catégories de la politique
mondiale et à l’échelle du globe. Il manque un modèle ou du moins
des questions de principe pour asseoir les processus de recherche
et d’apprentissage de l’Union Européenne en matière de politique mondiale.
La question décisive qui se pose, c’est de savoir si l’Europe veut
devenir une puissance mondiale coopérative, afin d’influer sur la
structuration de la mondialisation et sur l’édification d’une architecture
de gouvernement mondial. Ce dernier point constitue le défi décisif
pour la politique mondiale de demain. Pour relever ce défi, les critères
de puissance traditionnels visant à protéger la "souveraineté
extérieure" dans le monde anarchique des Etats ne sont pas pertinents.
Il convient plutôt d’être capable de susciter une coopération transfrontalière
pour garantir la "souveraineté intérieure" des sociétés
(la garantie des objectifs de ces sociétés par rapport à un ensemble
de problèmes qui sont liés les uns aux autres à l’échelle mondiale).
Pour cela, il faut avoir de la puissance, afin de convaincre, de définir
des agendas et d’édifier des structures. L’UE dispose de bonnes conditions
pour cela, entre autres parce qu’elle n’est pas soumise aux tentatives
unilatérales des Etats-Unis, puissance hégémonique. Par contre, il
convient qu'elle se serve de ces conditions à des fins de développement
et pour exercer sa puissance de définition, de consensus et de structures.
Les premières étapes dans cette voie consisteraient à élaborer - au
sein de débats européens et non restreints à l’échelon national -
des idées cibles (structures de l’ordre mondial) et des conceptions
sur la politique extérieure à adopter à l’égard des Etats-Unis et
des autres acteurs de la politique mondiale (qui ne sont pas uniquement
des Etats), ainsi qu’à intervenir d’une manière unie devant des tribunes
internationales majeures telles que les Nations Unies.
Gerd
Föhrenbach :
Le partenariat pour la sécurité transatlantique
au seuil du 21e Siècle
En matière de politique
de la sécurité, les relations entre les Etats d’Europe Occidentale
et les Etats-Unis d’Amérique sont marquées actuellement par des
différends dans bien des domaines. Pourtant, à l’avenir, les Européens
et les Américains resteront tributaires les uns des autres. Il importe
en particulier pour les Européens que la protection du Vieux Continent
continue d'intéresser les Etats-Unis. En effet, depuis la fin de
la guerre froide, de nouvelles menaces sont apparues, et le fait
que plusieurs Etats soient dotés d’armes de destruction en masse
ne constitue pas la moindre menaces. En Europe, on a tendance soit
à sous-estimer cette menace, soit à considérer comme allant de soi
l’appui militaire des Etats-Unis. L'Amérique, de son côté, tend
à agir de manière autoritaire, sans tenir compte des usages de la
coopération internationale, et suscite ainsi des ressentiments inutiles.
Mais le fait demeure : les Etats-Unis n’ont cessé de prouver qu’ils
sont, dans les situations graves, la puissance sur laquelle on peut
compter pour s'attaquer aux problèmes internationaux graves (par
exemple, en Bosnie et au Kosovo). Les Etats-Unis devraient fondamentalement
changer d’attitude. Les Européens, quant à eux, devraient “ faire
leur part ” sur le plan intérieur. Ils doivent en particulier
apporter une contribution matérielle raisonnable à la capacité de
fonctionnement du partenariat de sécurité transatlantique. Ils doivent
entre autres renforcer leur potentiel militaire et s’adapter aux
nouveaux défis. Les conceptions visant à développer une capacité
militaire indépendante des Etats-Unis ne sont donc pas de mise.
Eric
Teo:
L’émergence du régionalisme asiatique
Pour les Etats de l’Asie de l’Est, les avantages de la coopération ne cessent
de se préciser depuis que la mondialisation économique remet de
plus en plus en question les certitudes passées, et que l’orientation
des divers Etats vers un système économique mondial d’apparence
robuste, dont les centres de gravité sont situés ailleurs, n’est
plus absolument l’option la plus immédiate. Jusqu’à présent, l’idée
de la coopération régionale se heurtait à une priorité de la Realpolitik
orientée vers des scénarios de menaces, à des rivalités de politique
de puissance et à des stratégies d’alliances concurrentes. Le
Rapprochement entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, dans
lequel la Chine a exercé une influence déterminante, permet ici
d’éliminer un obstacle important à la coopération dans l’ensemble
de l’Asie orientale. Ceci permet également de jeter un éclairage
nouveau sur les relations entre la Chine et le Japon. En même
temps, en Asie du Sud-Est, on est parvenu d’une part à comprendre
que le niveau de coopération sub-régional n’est plus adapté aux
nouveaux problèmes. D’autre part, l’ANASE, par suite de la crise
financière asiatique et de ses séquelles, ainsi que de son extension,
a perdu une bonne part de ses capacités d’action. Toutefois, dans
le cadre du concept "ANASE+3" (qui intègre la Chine,
le Japon et la Corée du Sud), les premiers pas ont été faits vers
l’établissement de structures de coopération régionales. Toujours
est-il que la voie n’est pas encore libre pour poursuivre la mise
en oeuvre de la idée régionale. Il subsiste des impondérables :
la politique future des Etats-Unis et de la Russie, les difficultés
internes de l’ANASE, le progrès du rapprochement coréen, les débats
internes à la Chine et au Japon sur le rôle régional des deux
pays et, surtout, la question de Taiwan.
Hartmut
Elsenhans
La mondialisation comme frein à la croissance
-
Redynamisation par la politique du development
Depuis que leur agriculture crée des excédents
qui permettent de nourrir les travailleurs des villes, les pays
en développement sont en mesure d'être compétitifs avec leurs
biens industriels et de réussir sur les marchés mondial. Ils peuvent
réduire pratiquement à volonté le salaire du travail – mesuré
en dollars - dans leur industrie exportatrice, car ces travailleurs
disposent des produits alimentaires bon marché locaux qui n'ont
pas accès au marché mondial. La dévaluation de la devise réduit
les salaires nominaux des travailleurs produisant pour
l'exportation, et accroît ainsi la compétitivité internationale,
tout en laissant quasiment inchangés leurs salaires réels.
Cette possibilité de concurrence réussie par la dévaluation ne
se heurte à des limites que lorsque la main-d'oeuvre dans le pays
exportateur commence à se faire rare. Alors les salaires réels
des pays du Sud croissent également, on assiste à des améliorations
défensives de la productivité et à des décalages au niveau des
prix relatifs. Une demande de consommation accrue a aussi des
incidences sur le marché mondial. Mais tant que le travail est
excédentaire et qu'on peut nourrir la population par des excédents
agricoles à faible coût (si on les considère en termes de cours
du marché mondial), la pénétration du Sud sur les marchés mondials
signifie pour les produits industriels une lacune de la demande.
Le mécanisme de croissance de l'économie capitalistique, qui s'appuie
sur le plein emploi et sur l'obligation d'amélioration permanente
de la productivité qui en résulte, a subi un coup d'arrêt. La
main-d'oeuvre libérée dans les pays du Nord par la concurrence
des pays du Sud à faibles coûts salariaux ne trouve pas de nouveaux
emplois équivalents ; car il ne se crée justement pas dans la
même mesure des nouveaux marchés que lorsque les revenus de la
masse augmentent dans les pays du Sud. Pour que ces revenus s'accroissent,
il faut d'abord que la main-d'oeuvre devienne rare dans ces pays-là.
Ici peut intervenir l'aide au développement. Elle peut pour ainsi
dire créer une demande artificielle qui emploiera directement
une partie des effectifs et les tient ainsi à l'écart du „véritable“
marché du travail. La main-d'oeuvre peut alors devenir rare et
la dynamique des salaires réels en croissance, de la productivité
accrue (afin de compenser la pression sur les coûts) et de la
demande croissante peut se mettre en marche. Les pays en développement
s'intégreraient dans la dynamique de croissance du monde capitalistique
mondiale, leur revenu moyen croîtrait à la mesure de leur productivité
moyenne. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé aux „pays tigres“
de l’Asie de l’Est où les réformes agraires ont maintenu dans
l'activité agricole, à un stade précoce du processus de rattrapage
industriel, un grand nombre de leurs travailleurs.
Christian
Ahlert
Democr@tic-Global-Governance.net
ICANN en tant que paradigme de nouvelles formes de politique
internationale dans le cyber-espace
Les organisations internationale de type traditionnel sont d'une part de plus
en plus inefficaces, car elles ne sont pas en mesure de relever
les nouveaux défis mondiaux. Mais en même temps, compte tenu
de ces défis, elles revêtent une importance de plus en plus
grande. Ceci ne fait que projeter sur le devant de la scène
leur déficit démocratique. Elles perdent leur légitimité auprès
des gens. Face à cele, Internet avec ses formes de communication
totalement détachées de la proximité spatiale et de la coordination
chronologique, ouvre la possibilité d'une participation aux
processus de prise de décision à l'échelle mondiale, et donc
non soumis aux frontières nationales. Ceci peut se manifester
aussi bien dans les référendums et dans les élections que
dans des débats qui précèdent ces décisions. Ce qui paraît
possible, c'est non seulement la décision démocratique transfrontalière,
mais aussi une participation directe des personnes concernées
par de telles décisions, et il semble donc que le besoin en
mécanismes de représentation soit moins grand. L'ICANN, qui
impose les règles si importantes pour le fonctionnement de
l'Internet et pour les possibilités de participation à ce
médium (et qui est qualifié de „gouvernement par Internet“),
a fait élire ses dirigeants en l'an 2000 en partie directement
par les utilisateurs d'Internet dans le monde entier. On ne
s'est guère soucié de la représentation des Etats nationaux,
mais simplement de celle des grandes régions du monde (continents).
Le déroulement des élections a laissé beaucoup de souhaits
inassouvis en matière de processus de formation légitime et
démocratique de la volonté commune. Mais les campagnes électorales
ont clairement mis en évidence le vaste potentiel d'Internet
pour la participation mondiale à des discussions préparatoires
à la prise de décisions. Néanmoins, même sur le Net la participation
de grandes foules risque de devenir un rituel, au point que
la véritable force de décision finisse par tomber entre les
mains de petits groupes d'initiés. Les mécanismes de sélection
qui restreignent la participation concrète à des discussions
préparatoires à la prise de décisions à un nombre restreint
de représentants du „demos“ d'Internet, semblent par conséquent
être indispensable. Afin d'explorer encore plus à fond le
caractère paradigmatique de l'élection de l'ICANN pour une
future démocratie transnationale, il conviendrait aussi de
comprendre sur le plan de la théorie de la démocratie la relation
entre les décisions sur des „single issues“ et des processus
de gouvernement plus vastes. Jusqu'à présent, la seule chose
qui a été testée est la démocratie du consommateur.
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