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Politik und Gesellschaft
Online International Politics and Society 1/2000 |
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RÈSUMÈS Héctor Aguilar Camin: Mexique: à mi-chemin (Original: Mexico: Half Way There) Le Mexique se trouve actuellement dans une phase de mutation de dimension historique. L’effondrement des finances publiques en 1982 a plongé le modèle de développement centralisé du pays dans un grave crise. Un processus de transformation s’est mis en place dans plusieurs domaines. Dans le secteur économique, le passage d’une économie protégée, subventionnée et orientée sur le marché intérieur à une économie ouverte, orientée sur le marché extérieur et sur la concurrence a été mis en oeuvre. Dans le secteur politique, le passage d’un État pseudodémocratique à parti unique et très présidentiel à un pluripartisme moderne a été mis en oeuvre. Ce processus de transformation doit faire face à des circonstances difficiles. Dans cette phase de transformation, six faiblesses fondamentales caractérisent la société mexicaine: acroissement de la violence politique, sociale et criminelle;, crise de la légitimité de l’autorité publique;, détérioration progressive de l’autorité politique et naissance d’un vide dans le pouvoir politique avec la perte de l’importance présidentielle;, absence dans la société d’un consensus de base sur l’orientation future du processus de réforme;, absence d’une administration publique forte pour soutenir l’appareil étatique;, inégalité sociale chronique. Cependant, le Mexique présente par ailleurs toute une série de points forts qui laissent à penser qu’un échec du processus de réforme est peu probable. En adhérant à l’ALENA, le pays a trouvé une niche stratégique dans l’économie mondiale qui rend très probable un maintien de l’expansion économique. Les institutions et les règles du jeu d’une démocratie bien huilée ont été mises en place. Et personne ne souhaite retrouver les conditions qui régnaient avant le début des réformes. Un consensus de base sur la façon dont les institutions et les priorités politiques et sociales du pays doivent être structurées tend à se préciser. Toutefois, le pays a plus de chances de réussir sa modernisation politique qu’à faire disparaître le terrible fossé qui sépare les pauvres des riches.
Brésil: dépendance, stagnation et désintégration sociale Le Brésil occupe le cinquième rang mondial en ce qui concerne la superficie et le sixième rang en ce qui concerne la population. Il dispose d’un formidable potentiel de développement économique. Or, sur le plan social, la population occupe une très mauvaise place puisqu’elle n’arrive qu’en 79ème position sur l’indicateur du développement humain (Human Development Index). La répartition des revenus est la plus inégale de la planète. Les institutions sociales du pays se délabrent car elles manquent d’argent; pendant ce temps, l’État subventionne des investisseurs étrangers. L’écart entre le potentiel national et le développement national du Brésil s’explique par son histoire, marquée par la dépendance – au début du Portugal, puis de l’Angleterre et des États-Unis. Le Brésil doit se libérer de cette dépendance et décider lui-même du chemin à prendre pour se développer. Par le passé, les nombreux tournants politiques ont fait naître des espoirs de changement qui furent toujours déçus. Même le «Plano Real» de Henrique Cardoso, candidat des élites qui s’imposa aux élections présidentielles face au réformateur radical Lula de Silva, a entraîné un accroissement du chômage et de l’endettement. Les institutions constitutionnelles perdent de plus en plus de leur légitimité en raison des échecs permanents qu’elles subissent, mais aussi en raison de la corruption dont elles usent. Pour la reconstruction nationale, le Brésil a besoin d’une coalition, laquelle se profile déjà. Pour cela, il doit surtout viser à recouvrir sa souveraineté pour le développement national et à se détacher de l’autorité des marchés mondiaux et des intérêts économiques et politiques qu’ils représentent. En politique étrangère aussi, les élites au pouvoir négligent les intérêts nationaux du Brésil en se soumettant aux exigences des États-Unis et des organisations internationales influencées par ces derniers. Le Brésil doit également se préparer politiquement à défendre ses intérêts nationaux pour le développement. Par exemple, la souveraineté nationale du Brésil sur le bassin amazonien est de plus en plus remise en question par des revendications internationales. Le Brésil devrait avoir pour tâche de mettre en place, au sein de l’Amérique latine, des alliances visant à se défendre contre le contrôle de ses ressources par des puissances étrangères. Pour cela, le pays doit être prêt à risquer de plus en plus de conflits avec les pays industrialisés riches. Muchkund Dubey: Inde: formidables succès, graves échecs (Original: India: Remarkable Achievements and Dismal Failures) Le bilan du développement de l’Inde après plus de cinquante années d’indépendance est mitigé: des progrès remarquables contrastent avec des échecs accablants. Le pays a beaucoup plus de réussite en politique étrangère que dans sa tentative d’améliorer les conditions de vie de la majorité de sa population. Sur la scène internationale, l’Inde a joué un rôle prépondérant notamment dans le mouvement des non-alignés; ce rôle a toutefois perdu de son importance avec la mondialisation et la fin du conflit Est-Ouest. Des relations solides avec la Chine – le pays voisin le plus grand et le plus important pour l’Inde - ne seront possibles que si l’Inde devient une puissance forte, voire aussi forte que la Chine. Dans les relations avec le Pakistan, le Cachemire n’est pas l’unique problème et pour en finir avec le conflit dans cette région, l’Inde ne doit accepter aucune solution qui repose sur une autodétermination à caractère religieux. L’Inde peut revendiquer à juste titre un siège permanent au conseil de sécurité des Nations Unies. Même après avoir effectué des tests sur ses propres armes atomiques, l’Inde continue de s’engager pour le désarmement nucléaire; elle n’a besoin que d’une force de dissuasion minimale pour laquelle aucun autre test n’est nécessaire. La nouvelle politique économique (concurrence renforcée grâce à la dérèglementation et à la suppression des droits de douane, à une réforme fiscale et à une ouverture aux investissements étrangers directs) a déclenché un élan de croissance dans les années 90. Cependant, le déficit public élevé et le manque d’infrastructures constituent aujourd’hui encore de graves goulots d’étranglement. Les plus grands déficits de l’Inde se trouvent dans le secteur social. Presque la moitié de la population est encore analphabète et si les famines ont disparu, la pauvreté touche des centaines de millions de personnes. La discrimination des femmes est très répandue. Les tensions entre musulmans et hindous menacent la cohésion nationale. Si l’Inde peut être fière d’une tradition démocratique longue de 52 ans, elle connaît cependant aussi la corruption, la privation de droits et un déclin général des valeurs. Pour résoudre ses très graves problèmes sociaux et économiques, l’Inde a besoin d’un régime politique qui marche sur les traces du Mahatma Gandhi. Michael Ehrke: Allemagne: réunie, riche, malheureuse (Original: Germany: United, Rich, Unhappy) Le XXe siècle, qui aura été court et meurtrier, a très fortement été marqué par l’Allemagne. Cela a commencé en 1914 avec la Première Guerre mondiale, dont l’Allemagne a été le principal instigateur et s’est terminé en 1989 avec la chute du mur de Berlin. Dans la première moitié du XXe siècle, l’Allemagne a été le précurseur mondial du génocide civil. Dans la seconde moitié du siècle, la confrontation mondiale de deux blocs politiques et de deux formes de société s’est reflétée dans la division de l’Allemagne – de même que la chute du mur symbolise la fin d’un ordre mondial bipolaire et la réunification allemande ressemble à une expérience de laboratoire avec pour toile de fond la mondialisation. Bien avant la réunification de l’Allemagne, l’âge d’or du «modèle allemand», qui était caractérisé par la prospérité économique et le consensus social, avait déjà cessé. L’exclusion d’une minorité de la population du marché de l’emploi et de l’État social («société des deux tiers») ainsi que l’exclusion volontaire des élites (qui au fil de la mondialisation n’ont cessé de priver la collectivité de leurs ressources) et l’accroissement des charges sur la population (encore) normalement active a entraîné des fissures sociales qui ont compromis le modèle consensuel. La réunification allemande a occulté, aggravé et faussé les tendances qui étaient déjà devenues perceptibles dans l’ancienne République fédérale. Elle a permis d’éviter une catastrophe qui aurait pu résulter de l’effondrement du statut de l’ex-RDA, mais en même temps elle a détruit les environnements et les orientations des citoyens de l’ex-RDA, assimilant à la République fédérale une communauté désavantagée sur le plan collectif – une population sans héritage et sans travail. Le refus (passager) de la reproduction démographique, la posttransfiguration déjà oubliée du passé ainsi qu’un nationalisme ethnique agressif sont quelques-unes des conséquences qui ont résulté du nivellement des environnements est-allemands, c.-à-d. non pas du système de la RDA, mais des milieux que ce dernier avait laissés derrière lui. En l’Allemagne de l’ouest, la réunification a été associée avec insistance sur le «rattachement à l’ouest» du pays, moins dans un sens de politique étrangère que dans un sens civique. Alors qu’une opposition fondamentale de gauche était peu à peu apparue dans l’ancienne République fédérale au cours des années 60 et 70 de relative harmonie, la gauche issue d’un paysage social bien plus divisé au cours des années 90 a aujourd’hui presque entièrement disparu. Les débats publics ne suivent plus la traditionnelle ligne du conflit droite-gauche, mais opposent les partisans du renforcement de l’orientation sur le marché à ceux qui veulent protéger la cohésion sociale contre l’impérialisme du marché – les motifs purement conservateurs se confondant avec ceux de la gauche. Le fait de s’être rendu compte que l’aptitude à la cohabitation sociale est une ressource limitée et qu’il faut par conséquent la protéger du «progrès» est peut-être le plus grand enseignement que la gauche aura tiré du XXe siècle. Matthew Hassan Kukah: Nigeria: le changement après un long déclin? (Original: Nigeria: Reversing the Tide of Decline) En 1999, le Nigeria a pris un nouveau départ avec l’élection d’Olusegun Obasanjo à la présidence. Celui-ci se retrouve à la tête d’un pays qui pendant près de quatre décennies d’indépendance, a en grande partie été gouverné par des régimes militaires. Ce pouvoir militaire a laissé le Nigeria dans une grave crise à tous les niveaux économiques, sociaux et politiques. Le pouvoir militaire a notamment épuisé la substance morale de la société et permis le développement d’une culture totale de corruption et d’enrichissement. Le gouvernement civil se retrouve par conséquent en face de cinq grands problèmes: il doit sinon éliminer la corruption, au moins l’enrayer. De plus, il doit faire disparaître les lignes d’opposition (nord-sud, musulmans-chrétiens) dangereuses pour la société nigérienne et désamorcer la crise qui se profile dans le delta du Niger, région d’extraction de pétrole. Le système de formation, mal en point, doit être réorganisé à tous les niveaux. Mais le plus grand défi concerne le développement de l’agriculture, la réhabilitation du potentiel de production agricole et l’amélioration des conditions de vie de la population rurale marginalisée. Enfin, le Nigeria doit trouver un nouveau rôle à jouer en Afrique et plus particulièrement dans la région de l’Afrique occidentale. Pour cela, l’intégration régionale dans le cadre de la CEDEAO est une étape indispensable. Si ce programme réussit, le Nigeria pourra jouer comme pays d’Afrique le plus étendu un rôle important et constructif dans la politique internationale. Yihong Mao: Chine: les limites de la semi-modernisation technocratique (Original: China: Set to Advance Beyond Technocratic Semi-modernization) L’histoire de la Chine du XXe siècle est l’histoire d’aspiration à la modernisation. Mais, en Chine on n’est pas encore conscient du fait que de nos jours la modernisation est un processus fondamentalement internationalisé qui ne se limite pas seulement à l’économie. Les réformes progressives des dernières décennies n’ont pas constitué un acte voulu de transformation, mais plutôt une évolution par tâtonnements presque uniquement dans le secteur économique. Les succès qui ont résulté de ces réformes ont en même temps aggravé des problèmes qui au cours des années à venir, soumettront l’«économie de marché socialiste» de la Chine à une épreuve de vérité en fin de compte politique. Parmi ces problèmes, on distingue notamment l’acroissement des écarts de revenus entre une minorité favorisée par la modernisation et le reste de la population ainsi que la séparation des droits privés de gestion et de propriété dans des entreprises officiellement restées publiques. L’accroissement du chômage et des écarts de développement entre les différentes régions entraînent migration et travail migrant, tandis que dégâts écologiques et catastrophes naturelles constituent de sérieuses hypothèques pour l’avenir. La corruption, omniprésente, est particulièrement grave. Le monopole de l’État se révèle être de plus en plus une entrave à d’autres progrès. La solution ne peut venir ni d’une isolation «sinocentrique» ni de réformes néo-totalitaires ou de réformes purement institutionnelles sans dimension sociale et démocratisante. La progression de la Chine vers la modernisation fait partie du développement de la civilisation mondiale. Kenichi Mishima: Japon: empêtré dans le discours d’unicité nationale? (Original: Japan: Locked in the Discourse of National Uniqueness?) Depuis que le pays a intégré le monde moderne au siècle dernier, un leitmotiv du discours social au Japon est l’unicité de la société japonaise. Ce discours a toujours eu une fonction d’affirmation de soi et constitue sur ce point une réaction typique de nations et de cultures qui, confrontées à des civilisations étrangères momentanément supérieures, perdent leur propre image. Le résultat provisoire de cette discussion sur l’identité est un «ethnocentrisme ouvert au monde». Même si la société japonaise croit toujours fermement à son unicité, les Japonais ne s’isolent pas, mais projettent l’unicité dans leur relation avec le reste du monde. Alors que cette attitude avait revêtu un caractère d’expansion militaire avant la défaite de 1945, après l’expansion économique - et avec elle l’intégration dans le système des valeurs de la communauté internationale dominée par l’Occident - a été mise au premier plan. Le discours d’affirmation de soi de l’unicité japonaise revêt un caractère tout à fait apologétique. Ceci implique une attitude de défense contre les critiques qui doivent être faites au Japon en raison de ses crimes massifs perpétrés pendant la guerre. L’establishment politique et intellectuel compare la politique d’expansion du Japon à ce qui fut l’expansion coloniale des puissances européennes. Les critiques venues de l’Occident sont considérées comme une hypocrisie de la part de ceux qui ont déjà réussi à défendre tous leurs intérêts, cependant que l’opinion des victimes sur l’agression japonaise reste occultée. Le discours dominant de l’affirmation de soi ne doit toutefois pas être considéré comme symptomatique de l’attitude «des Japonais». La population est bien plus ouverte au monde dans sa façon de penser. Mais pour qu’une perspective s’ouvre à la société japonaise pour le XXIe siècle, il faut déposséder les apologistes conservateurs de l’hégémonie culturelle. Charles Sabel: États-Unis: reprise économique et perspective de renouveau démocratique (Original: USA: Economic Revival and the Prospect of Democratic Renewal) À l’aube du nouveau millénaire, les États-Unis apparaissent comme une nouvelle Rome: au niveau de la politique internationale, ils sont de loin la puissance la plus influente, tandis qu’en politique intérieure, on idolâtre le succès matériel en affaiblissant certaines valeurs républicaines telles que l’orientation sur l’intérêt public et la participation au destin des citoyens. La nouvelle hégémonie américaine est caractérisée dans une très large mesure par une économie extraordinairement dynamique et par l’impressionnant redressement après une phase de déclin encore perçue pendant une bonne partie des années 80. Cependant, dans dix ans, lorsqu’on jettera un regard rétrospectif sur l’évolution aux États-Unis, ce sera le redressement de la démocratie, et non l’essor économique qui sera considéré comme le fait marquant de cette époque. Au premier abord, cette thèse peut paraître osée. Cependant certains indices laissent penser qu’une sorte de démocratie délibérante directe est en train de se former aux États-Unis. Cette démocratie est caractérisée par deux composantes: (a) participation directe et durable des citoyens et de leurs organisations de citoyens à l’aménagement d’institutions publiques et à la résolution de problèmes concernant la vie publique; (b) contrôle par des instances administratives supérieures qui d’une part accorde aux comités de participation des citoyens la marge de manoeuvre nécessaire pour expérimenter des solutions, d’autre part vérifie que les solutions sont appropriées et qu’elles sont conciliables avec les règles communes de la nation et retire le cas échéant le mandat accordé. Les deux exemples suivants montrent de manière significative que cet expérimentalisme contrôlé («monitored experimentalism»), lequel s’est en grande partie éloigné des règlements et des procédures administratives hiérarchisées et traditionnellement dominantes, peut permettre de trouver des solutions innovantes pour résoudre les problèmes graves: la réforme du système éducatif à Chicago et la mise en oeuvre de programmes de protection de sites bloqués jusque-là. Tout porte à croire que ces cas ne sont pas uniques et qu’ils annoncent un renouveau démocratique complet des collectivités modernes – non seulement aux États-Unis, mais aussi dans une Union européenne supranationale dont la démocratie n'est pas encore suffisamment institutionnalisée. Mohamed El Sayed Said: Égypte: la dialectique de la sûreté de l’État et du déclin social (Original: Egypt: The Dialectics of State Security and Social Decay) L’Égypte offre un exemple de l’avortement manifeste d’un projet de modernisation. Comparé à d’autres nations, le pays fait beaucoup moins bonne figure qu’au début du XXe siècle. Au cours de ces trois dernières décennies, l’échec total du développement de l’Égypte a fortement été lié à la politique étrangère du pays. Au vu de la crise d’identité générale du monde arabe islamique face à la modernisation, la politique palestinienne des présidents Sadat et Mubarak a plongé le régime dans un grave crise de légitimité. Face à la menace croissante des fondamentalistes islamiques, le régime a d’une part pris des mesures de répression et repoussé toutes les revendications démocratiques et tenté d’autre part de gagner l’approbation générale en appliquant une politique économique et sociale populiste, laquelle s’est révélée nuire directement au développement et qui plus est, a affaibli la morale publique dans son ensemble. Même si l’Occident a très fortement récompensé le soutien stratégique de l’Égypte dans le conflit au Proche-Orient par des aides financières et des remises de dettes, la marge de manoeuvre financière ainsi élargie n’a toutefois pas été utilisée pour un développement forcé, mais a surtout entraîné un formidable élan de consommation des classes supérieures et des classes moyennes. Le régime a tenté de s’acheter la faveur du grand public en maintenant, ou plutôt en consolidant l’État social hypertrophié de l’ère Nasser. Cependant, non seulement le régime n’a pas réussi à fournir les moyens nécessaires pour un fonctionnement approprié des services publics, mais il a toléré à tous les niveaux le détournement des fonds publics à des fins privées. Une sorte de «contrat social» pervers et informel de participation générale – mais en aucune façon égale – au pillage des biens publics s’est formé. L’État accorde des privilèges (conformément aux réflexions politiques changeantes d’opportunité) non plus en appliquant des lois, mais en tolérant de manière discrètionnaire les violations de la loi. Bien qu’une large majorité de la population en tire parti, ce système favorise cependant très nettement les classes supérieures. Pour une grande partie des couches inférieures, il ne reste qu’une pauvreté très amère. Néanmoins, la complicité générale dans l’exploitation de la collectivité, comme aussi la répression politique empêchent tout élan de changement. Seule la crainte d’une asphyxie totale peut encore faire bouger le pays. Nikolai Schmeljow: Russie: naissance d’un consensus sur la reconstruction nationale (Original: Shmelev: Russia: The Emerging Consensus on National Reconstruction) En Russie, un consensus global sur les grandes lignes de la politique économique et sociale future se profile derrière des débats politiques trop apparents. Pendant les dix premières années de la transformation, le pays a traversé une crise qui a réellement modifié certaines structures et engendré une situation qui, aujourd’hui, indépendamment de la position politique des protagonistes, révèle de plus en plus que les réformes futures seront soumises à des contraintes matérielles. Les questions concernant la privatisation et les structures de la propriété peuvent être considérées comme résolues. Sur ce plan, la Russie dispose d’une structure qui rappelle celle des pays industrialisés de l’ouest. De plus, il s’est avéré que dans le secteur industriel, un tiers seulement des entreprises a une chance d’intégrer le marché mondial, un autre tiers ne pourra survivre qu’avec des programmes de restructuration fondamentale et que le reste est obsolète. L’expérience a en outre montré que l’approche du libre marché ne peut à elle seule être suffisante, tant qu’il manquera des institutions pour la réglementation et le suivi du marché. C’est pourquoi l’État doit recommencer rapidement à assumer un rôle plus actif dans l’aménagement des conditions économiques générales. Les objectifs suivants doivent être poursuivis: maintenir un secteur national de technologie de pointe, moderniser l’infrastructure, encourager de manière ciblée les petites et moyennes entreprises, dédollariser l’économie et abandonner l’économie de troc pour revenir à une économie monétaire, abaisser les taux d’intérêts, canaliser les épargnes nationales dans des investissements productifs et augmenter l’indépendance par rapport aux capitaux étrangers, protéger l’industrie russe de la concurrence étrangère et – à long terme – prévoir une réforme agraire. Une inflation modérée devrait être tolérée pendant tout le processus de reconstruction. Les structures régionales et locales doivent être renforcées (notamment en réformant le système fiscal). Dans le secteur social, les priorités sont les suivantes: mettre en oeuvre une politique de l’emploi active et une politique des revenus visant à une répartition plus équitable, et aménager un système de sécurité sociale qui comprenne une prévoyance privée complémentaire en plus de la couverture publique de base. |
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