L'universitaire ivoirien Arthur Banga considère la question de l'allégement de la dette comme le véritable test de l'engagement de la Chine envers le continent.
Image: of Salomon Djidjoho La plupart de l'assistance chinois - comme ici pour la réhabilitation du stade béninois - sont accordées sous forme de prêt.
En prélude au forum Chine-Afrique de Pékin en 2018, Cyril Ramaphosa a affirmé que nous vivions « un nouvel âge d’or des relations sino-africaines ». Pour s’en convaincre, il suffit juste d’observer qu’à ce jour la quasi-totalité des pays africains reconnaissent la Chine plutôt que Taïwan ou encore de scruter les 208,7 milliards de dollars d’échanges commerciaux – le record à ce jour – entre la Chine et l’Afrique en 2019. Cependant, la marche nuptiale sino-africaine si bien entonnée depuis quelques années ne semble pas éviter les questionnements et incertitudes liés à l’apparition du Coronavirus. En conséquence, interrogeons-nous sur les défis et les mutations auxquels doit faire face la relation – de plus en plus privilégiée – entre la Chine et l’Afrique dans un contexte de crise sanitaire mondiale. Au-delà, quels seront les leviers de la relance de la coopération Chine-Afrique post-crise ?
Cette problématique est d’autant plus pertinente que la Chine et, plus précisément Wuhan – une des villes les plus « africanisées » de Chine – est le berceau du virus. Ceci n’est pas si anodin. En fait, si Pékin peut se vanter d’avoir maîtrisé la pandémie, ce statut de « berceau du virus » tend à annihiler tous les efforts consentis pour redorer son image dans le monde et principalement en Afrique. En effet, au moment où les prouesses technologiques, les réussites du modèle chinois parviennent, peu ou prou, à gommer la mauvaise image du « made in China » sur le continent, le « china virus » – expression de Trump révélatrice des rivalités géopolitiques autour de la pandémie – et les polémiques autour du nombre de morts en Chine comme celles concernant les pressions chinoises exercées sur l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) remettent en selle les doutes. Ils donnent plus d’échos aux pourfendeurs de l’axe Chine-Afrique.
Aux critiques contre les investisseurs chinois peu enclins à respecter les droits des travailleurs, au déficit commercial – qui a triplé en 2019 – et au poids de la dette chinoise, ces derniers trouvent dans la gestion chinoise de la Covid-19 un argument de taille. Lequel argument se trouvera renforcé par les violences exercées sur des Africains dans plusieurs villes de Chine au motif que ces derniers favoriseraient l’émergence d’une deuxième vague. L’émoi était tel sur le continent que des consuls africains en Chine ont dû réagir. De ce point de vue, on peut affirmer que la gestion chinoise de la pandémie a affecté le crédit sympathie de l’empire du milieu en Afrique et donner de l’eau au moulin de ses adversaires.
Cela dit, la diplomatie chinoise a plusieurs outils dans sa besace. Ses grands experts planchent déjà sur les enjeux géopolitiques de cette crise sanitaire mondiale. Ainsi, la Chine développe une véritable « diplomatie de la santé » à l’endroit du continent mêlant multilatéralisme et bilatéralisme. Elle s’est empressée d’accroître ses contributions à l’OMS pour tenter de palier le désengagement américain se positionnant ainsi comme un chantre du « multilatéralisme sanitaire ». En outre, elle multiplie les aides bilatérales par le don de matériels (tests, tenues spécialisées, masques), l’envoi de personnels soignants et par le partage de son expérience. Le milliardaire chinois Jack Ma est mis à contribution pour renforcer le soft power chinois. Cet engagement permet à la Chine de travailler au maintien de son capital sympathie en matière de coopération avec le contient.
Malgré cette réponse, le Coronavirus a mis à nu les faiblesses du couple sino-africain. Il va falloir en tenir compte pour une relation plus équitable au lendemain de la crise. Il faut agir en vue équilibrer la balance commerciale, de renforcer le transfert des technologies et les aspects scientifiques et culturels pour intensifier cette coopération. La question de l’annulation de la dette africaine – les conséquences des plans de riposte définis en Afrique sur les budgets nationaux entraineront des déficits énormes et une politique contre-productive d’austérité si les créanciers du continent, dont la Chine, plus grand détenteur de dettes africaines ne la réduisent pas – qui se posera avec acuité dans quelques mois devrait être un véritable test, un vrai révélateur de l’engagement de la Chine sur le continent et de la capacité des Africains à profiter de leurs relations extérieures.
Arthur BANGA est docteur en relations internationales de l’Université Houphouët-Boigny d’Abidjan et aussi en histoire des stratégies militaires de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) de Paris. Il est chercheur rattaché à l’IRSEM (Institut de recherche stratégique de l’école militaire de Paris). Il est auteur de plusieurs travaux et publications scientifiques, dont un grand nombre consacré aux relations franco-ivoiriennes et ivoiro-chinoises.
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