L'environnementaliste et Chargé de programmes de la FES Afrique du Sud Richard Worthington demande si « l'ennemi invisible » peut générer le soutien pour un nouveau pacte social
Image: of Sebabatso Mosamo Apprendre la distanciation sociale. Des personnes âgées font la queue pour obtenir des aides sociales à Johannesburg (Alexandra Township, le 30 mars).
Les sud-africains se sont nourris de beaucoup d'optimisme au cours des dernières semaines, ce qui se reflète peut-être le plus clairement dans les médias progressistes. La réponse décisive du Président Ramaphosa et de son gouvernement à l'arrivée de Covid-19 en Afrique du Sud a été accueillie comme un changement bienvenu ; une pause de l'inaction sur de nombreux fronts, résultant en grande partie de l'aliénation du pouvoir au sein du parti au pouvoir, alors que l'économie allait de mal en pis. Il y avait presque de la jubilation à la représentation politique ainsi exposée.
Il y avait beaucoup de spéculations selon lesquelles, l'orthodoxie économique étant devenue hors de propos, la réponse à la pandémie servirait à déclencher un changement transformationnel, motivée par un engagement renouvelé à mettre la population au premier plan. Il a été suggéré que l'apparition d'une injustice sociale durable - rendue banale par la reconnaissance systématique de notre « triple défi » du chômage, de la pauvreté et des inégalités - et couplée à une reconnaissance de la cause commune face à « l'ennemi invisible », pourrait générer un soutien pour un nouveau pacte social.
Moins de deux mois plus tard, on constate une indignation croissante face aux échecs persistants dans la mise en œuvre des mesures de secours les plus rudimentaires. Les invocations de solidarité sociale sonnent creux alors que plus de 70 000 soldats sont mobilisés pour soutenir l'application des décrets du gouvernement qui défient notre Constitution louée, portant des armes plutôt que des colis de nourriture. Il existe de plus en plus de preuves que les restrictions maintenues par le gouvernement sont plus préjudiciables à la majorité des sud-africains que tout impact prévu de la pandémie. A défaut de ne pouvoir réagir efficacement face à l'augmentation rapide de la faim et du dénuement l’on se moque des appels à la « distanciation sociale », en particulier dans les agglomérations à forte densité, où la foule se rassemblant pour obtenir les secours disponibles annihilent le but du confinement.
A la fin de la première semaine d'un niveau légèrement inférieur de restrictions, après cinq semaines de ce qu'on appelle à présent le niveau 5 de la gestion des catastrophes, on se rend de plus en plus compte qu'aucun effort héroïque à court terme ne va renverser la vapeur ou nous mettre sur une meilleure voie. Il apparaît également que les mesures qui auraient dû être prises avec le temps gagné par le confinement ne se sont pour l'essentiel pas concrétisées. En particulier, nous accusons un retard chronique dans les tests, mais des données montrant que la transmission communautaire s’accélère dans les agglomérations de Gauteng.
L'observation selon laquelle tout est ‘normal’, comme l’avant Covid-19, était déjà un état de crise (citant généralement le changement climatique, mais aussi la perte de biodiversité, parfois l'inégalité) est plus frappante en Afrique du Sud, où la malnutrition a déjà causé un retard de croissance de près d'un quart du nombre des enfants. Un éventail d’activistes lance un appel pour saisir l'occasion, l'orthodoxie économique étant mise de côté, de transformer notre système économique ; tandis que d'autres avertissent que cela pourrait entraîner un effondrement total du système, avec des effets immédiats ruineux et des conséquences à long terme.
Il existe un consensus croissant sur le fait que le taux maximal d'infection en Afrique du Sud se situera probablement en août ou septembre, tandis que la suspension de la plupart des activités économiques a créé une détresse immédiate aiguë et des troubles sociaux. L'urgence croissante d'accélérer la réouverture, de limiter l'escalade des pertes d'emplois (à partir d'une base pré-Covid de près de 30% de chômage), a exacerbé le court-termisme sans perturber les droits acquis.
Cela est particulièrement clair dans le secteur de l'électricité, où l'opportunité de développer une industrie des énergies renouvelables est prise en otage par un Département des ressources minérales et de l'énergie dirigé par un passionné de charbon de la vieille école. Le ministre Mantashe promeut non seulement le fantasme du « charbon propre », mais renforce son emprise sur la régulation de l'énergie, tout en recherchant des modifications aux règlements ; dans un cas, s'octroyer un droit de veto sur l'approvisionnement en électricité du gouvernement local et dans un autre, réduire les droits des communautés locales dans la prise de décisions en matière de développement. Il vient également d'annoncer le début de nouveaux achats d'énergie nucléaire et a suggéré que nous devrions acheter beaucoup de pétrole pendant qu'il est bon marché.
Espérer que cette urgence sanitaire puisse faire ressortir le meilleur du parti au pouvoir ou renforcer la position du Président Ramaphosa en son sein est de plus en plus difficile à maintenir. Cette maladie a certainement rendu plus visibles et plus prononcées les défaillances de notre système économique et de notre gouvernement, mais il n'est pas certain qu'elle génère la volonté politique et la solidarité nécessaires pour les surmonter. La faible extension de l'aide sociale offerte à ce jour - la plupart n'ayant pas encore atteint les bénéficiaires visés - suggère que les penchants pour l'austérité n'ont pas été mis de côté.
Cela pourrait peut-être changer s'il y a une réponse positive à l'appel de notre président, en tant que président de l'Union africaine, pour que la suspension de neuf mois du paiement de la dette internationale soit prolongée de deux ans. Un éventail d'organisations avancent des propositions de changement transformateur, souvent repoussées par des craintes de fuite des capitaux ou d'offenser le sentiment du marché. Avec des millions de sud-africains de plus qui ont faim chaque jour, il est de plus difficile que jamais d'amener notre gouvernement à réfléchir sérieusement à la manière dont un monde meilleur serait possible.
Richard Worthington travaille dans le secteur des ONG sud-africaines depuis 1996, après avoir quitté l'Afrique du Sud après avoir obtenu un baccalauréat à Wits en 1984. Après 12 ans de travail avec Earthlife Africa Johannesburg, il a dirigé le WWF-SA Climate Change Program pendant cinq ans jusqu'en 2013. Il a récemment rejoint la Friedrich-Ebert-Stiftung, bureau de Johannesburg, en tant que chef du programme sur les politiques climatiques et énergétiques.
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