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Covid-19 et souffrances économiques des femmes au Sénégal

Fatou Sow Sarr analyse les effets économiques des mesures de lutte contre la pandémie sur les femmes et plaide pour les mettre au centre de la reconstruction économique et sociale.

Straßenverkäuferinnen

Image: of Jasmin Hartmann Les vendeuses et transformatrices de produits locaux voient leurs activités se réduire de manière drastique.

La Covid-19 a eu un impact incommensurable sur les femmes au Sénégal, tant au plan social qu’économique. En effet 75% des sénégalaises évoluent dans le secteur informel, selon le rapport d’ONU Femmes de 2015/2016, et les mesures de confinement ont entrainé une baisse partielle et parfois totale de leurs revenus, alors qu’elles ne bénéficient d’aucune assurance-risque.

L’étude diagnostic de l’économie informelle au Sénégal, menée par le Bureau international du Travail en 2020, révèle que 85,7% des femmes de ce secteur ont un chiffre d’affaires inférieur à 100.000 FCFA (soit US$ 171) par mois, et 77,9% des femmes employées dans les entreprises informelles gagnent moins de 37 000 FCFA (soit US$ 63) par mois.

Avec le confinement ces femmes se sont vues privées de revenus : serveuses, restauratrices, coiffeuses, maquilleuses. Des travailleuses domestiques ont perdu leur emploi, comme Penda, qui avec deux enfants à bas âge, devrait retourner régulièrement dans sa famille, alors qu’aucune patronne ne veut prendre ce risque avec elle. Quant à Aïssatou, chargée du nettoiement de l’école de son quartier pour 35.000 FCFA (soit US$ 60) par mois, elle a perdu une source de revenus qui lui permettait d’acquérir des produits à vendre au marché, après ses heures de services. Elle est obligée de solliciter d’autres personnes pour offrir un repas par jour à ses enfants. En zone rurale, la situation n’est pas meilleure : celles qui évoluent dans le traitement de la noix de cajou se retrouvent au chômage technique avec le départ de leurs employeurs qui sont des indiens.

Les vendeuses et transformatrices de produits locaux voient leurs activités se réduire de manière drastique. Aminata qui quittait la banlieue chaque soir pour vendre quatre calebasses de couscous à Dakar n’arrive même plus à écouler le quart de son produit dans son quartier. Les petites vendeuses des marchés, qui prennent des crédits auprès des usiniers pour acheter du poisson et des légumes qu’elles essaient de vendre, pour rembourser en fin de journée les prêts avec un taux d’intérêt de 10% par jour, se retrouvent avec des invendus, à cause des nouvelles règles. Les créanciers sans pitié ne leur accordent aucune faveur. L’arrêt des cérémonies familiales aussi a privé les traiteurs de marchés lucratifs, par ailleurs les communicatrices traditionnelles et autres artistes qui y offraient leurs services se sentent perdues.

La majorité des femmes se trouve dans le secteur informel, or l’argent mobilisé par le Fonds Covid-19, principal moyen financier du gouvernement sénégalais pour aider la population et les entreprises, a plus visé le secteur privé. Le programme de distribution de vivres allait dans le sens de soutenir les femmes, mais beaucoup de ménages n’ont rien reçu. Le gouvernement et les partenaires ont organisé des cérémonies de remise de dons de vivres et de masques, mais ces actes symboliques sont loin de répondre aux besoins des femmes. Ainsi, lors de la réaction violente des populations contre le confinement dans la nuit du 3 au 4 juin, pour retrouver les moyens de gagner leur pain quotidien, beaucoup de jeunes femmes se sont jointes aux hommes pour manifester leur ras-le-bol et pour retrouver la liberté d’entreprendre.

Globalement peu de femmes de l’informel ont été capables de s’adapter à la nouvelle situation. Des stylistes se sont lancées dans la fabrication de masques, des commerçantes se sont rabattues sur le numérique pour écouler leurs marchandises avec la livraison à domicile, mais cela n’est pas à la portée de la majorité des analphabètes.

Des femmes voient leurs charges de travail s’accroître, avec la fermeture des écoles, car le confinement n’a pas brisé le schéma traditionnel des rôles masculins et féminins au sein du ménage, or le mot d’ordre de distanciation sociale qui a bouleversé les logiques de solidarité sociale les prive du soutien d’autres membres de la famille. Celles qui ont perdu leur époux se retrouvent seules à faire leur deuil sans assistance de la famille. La pauvreté s’est aggravée chez les femmes, dont les conjoints sont atteints et ne peuvent plus contribuer aux charges.

La Covid-19, à long terme, va déstructurer la société sénégalaise. Si les femmes continuent à être ignorées au plan économique et social, l’instabilité des familles va s’accroitre. Les plus fragiles auront du mal à se relever. Par exemple, les tables brulées dans les marchés des villes où il y a eu des manifestations appartiennent généralement aux femmes qui n’ont pas la possibilité de se payer des cantines. Elles devront pratiquement reprendre à zéro. Leurs nouvelles fragilités ouvrent des risques pouvant conduire à plus de violences, à la prostitution et à d’autres formes de déviance. Un plan stratégique « Femme Covid-19 » doit être élaboré.

Ce plan stratégique devrait être une opportunité pour l’Etat de prendre en charges trois problèmes majeurs des femmes pauvres :

En premier lieu, l’accès à la nourriture est le premier problème auquel les femmes sont confrontées : une assurance nourriture s’impose. Deuxièmement, l’autonomie financière étant le problème majeur des pauvres, l’état avec son programme « développement de l’entreprenariat rapide » peut libérer les vendeuses des usuriers installés dans les marchés. Enfin, l‘établissement de crèches dans toutes les collectivités locales et dans les espaces de travail comme les marchés pourrait alléger les femmes et leur permettre de mener leur activité en toute quiétude.


Fatou Sow Sarr est sociologue. Elle est professeur à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal et Directrice de l'Institut Genre et Famille.


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