Ce sujet de blog est tiré de l'excellent site Web The Conversation. Ici, Yap Boum écrit sur les mécanismes d'adaptation et de lutte en République Démocratique du Congo.
Image: of Sumy Sadurni Dépistage du virus Ebola par la Croix-Rouge à Bundibugyo, dans l'ouest de l'Ouganda, près de la frontière avec la RDC.
Ebola, une fièvre hémorragique virale chez l'homme et d'autres primates, est devenue endémique en République Démocratique du Congo (RDC). Le pays a connu dix foyers épidémiques en 40 ans, et a récemment déclaré le 11è.
Cela est presque certainement dû à la coexistence entre l'homme et l'animal. (primates et chauves-souris) porteurs du virus Ebola. Lorsque les humains entrent en contact avec ces animaux - ou des fruits qui ont été partiellement mangés par eux - ils ont de fortes chances de contracter le virus.
En plus de cela, le pays a une épidémie de rougeole de plus de 300.000 cas et plus de 6000 décès depuis 2019. Aujourd'hui, la RDC est confrontée à la pandémie de Covid-19, avec 4637 cas confirmés et 101 décès au 13 juin 2020.
Cela soulève la question de savoir comment un pays aux ressources limitées peut gérer toutes ces épidémies en même temps ? La même question s'applique à de nombreux pays africains. Par exemple, des épidémies de choléra, de rougeole et de COVID-19 se produisent au Cameroun et au Nigéria, pour ne citer que ces pays.
Cela soulève également la question de savoir si des épidémies antérieures préparent ou affaiblissent le système de santé d’un pays.
Face à une épidémie telle qu'Ebola, un pays mettra toutes ses ressources financières, humaines et matérielles pour répondre - et mettre fin - à la crise. Il en résulte que les pays réagissent à une crise à la fois.
Les gouvernements africains devraient commencer à accorder leur attention au renforcement des systèmes de santé. Ce faisant, ils seront à même de mieux riposter à toute pandémie tout en offrant des services de santé de qualité à tous.
La RDC a commencé à faire montre de ce changement de mentalité. L'engagement communautaire de la RDC, la recherche et les capacités de test qui ont été renforcées au cours des récentes épidémies ont placé le pays dans une meilleure position pour répondre simultanément à l'épidémie la plus récente d'Ebola, ainsi qu'à celle de la rougeole, et à la Covid-19.
Mais cela nécessite des ressources financières importantes.
La RDC s'est systématiquement attelée à renforcer les infrastructures sanitaires, à impliquer la communauté et à faire de meilleures recherches.
Deux étapes se précisent. Premièrement, il y a un investissement important dans la capacité des laboratoires, comme le montre l'ampleur des tests en RDC par l’Institut National de Recherche Biomédicale.
Deuxièmement, il s'agit du développement de la surveillance génomique avec des bases de données ADN pour effectuer la surveillance. Cela donne au pays la possibilité de transformer sa façon de répondre aux épidémies, notamment l'Ebola, et la Covid-19, le choléra et la rougeole.
Dans la surveillance classique, les épidémiologistes suivent les personnes et tentent de comprendre les liens entre elles lors d'une épidémie. La surveillance génomique permet aux chercheurs de connecter rapidement les personnes affectées par le même virus. Ils peuvent ensuite documenter rapidement l'histoire de sa transmission dans la communauté. Cela permet d'expliquer la dynamique de l'épidémie et comment le virus se déplace d'une personne à une autre et d'une communauté à une autre.
Un troisième développement majeur a été le renforcement de l'engagement communautaire pour garantir que la communauté contribue à la réponse. Cela comprend le travail effectué par les agents de santé communautaires et la place accordée aux dirigeants communautaires dans la riposte.
Dans le cas d'Ebola, des membres de la communauté font partie de l'équipe de personnes traçant les cas d'Ebola lors d'une épidémie. Leur connaissance de leur communauté accélère la recherche de personnes qui ont été en contact avec des patients affectés par l'Ebola. Ils facilitent également l'acceptabilité des équipes d'intervention nationales et internationales à la communauté.
Ceci est crucial surtout dans les zones rurales où il y a généralement un manque de confiance au gouvernement.
La RDC a également renforcé son système de recherche. Grâce à divers partenariats et collaborations avec Epicentre, le National Institute of Health des États-Unis et la London School of Tropical Medicine and Hygiene, l'Institut National de Recherche Biomédicale de la RDC dirigé par le professeur Muyembe a fait de l'Ebola une maladie curable. Ils ont mis en œuvre un essai randomisé et contrôlé de traitements de la maladie à virus Ebola montrant que les anticorps MAb114 et REGN-EB3 étaient supérieurs à ZMapp pour réduire la mortalité due à Ebola.
Au-delà des résultats de l'essai, la RDC a réussi à créer la capacité de mener des essais cliniques, y compris des essais de vaccins au milieu d'une situation d'urgence.
Ces capacités devront maintenant être utilisées pour évaluer de nouvelles thérapies contre la Covid-19. Cela devra inclure la médecine traditionnelle ainsi que des outils de diagnostic et des vaccins qui sont essentiels pour améliorer la réponse à la Covid-19 tout en luttant contre le choléra et la rougeole en même temps.
Les mesures prises par la RDC pour améliorer la réponse aux pandémies, y compris la prévention des épidémies, peuvent également conduire à une couverture sanitaire universelle qui vise à fournir des services de santé de qualité pour tous.
J'espère que l'épidémie de Covid-19 obligera des personnes capables de se rendre compte de ce qu'elles font partie du même monde que des personnes moins capables. Et que, ce faisant, les autorités seront encouragées à réaffecter des ressources aux systèmes de santé.
La RDC est un des nombreux pays africains qui n'ont pas respecté la Déclaration d'Abuja signée il y a 19 ans dans laquelle ils se sont engagés à consacrer 15% de leur produit intérieur brut à la santé. Seuls l'Éthiopie, la Gambie et le Malawi ont en fait dépassé l'objectif d'Abuja des 15%. La RDC consacre moins de 4% de son PIB au secteur de la santé.
Les épidémies devraient servir d'accélérateur pour fournir des soins de santé de qualité à toutes les personnes qui vivent sur le continent.
Le professeur Yap Boum II est le représentant régional d'Epicenter Africa, la branche de recherche de Médecins sans Frontières (MSF). Il est actuellement basé à Yaoundé, au Cameroun. De 2009 à 2014, Boum a dirigé la base de recherche d'Epicenter à Mbarara, en Ouganda.
Cet article est republié du journal online The Converstation sous un licence Creative Commons. Pour lire l'article original (en anglais) veuillez cliquer ici.
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