Kouam Latrille expose les risques liés à l'automédication dans le contexte africain.
Image: of Salomon Djidjoho Les remèdes traditionnels ont souvent de grands avantages, mais sont-ils utiles en cas de pandémie ?
En Janvier 2020 le monde était frappé par les premiers signes de la pandémie du coronavirus. Il fallait dès lors une réaction rapide et optimale de la part des Etats. Certains se sont démarqués par des solutions liées à l’automédication. D’autres émettaient l’hypothèse de l’effectivité de l’hydroxychloroquine. Relativement à l’automédication, c’est surtout Madagascar qui s’est démarqué avec sa potion magique, le Covid-Organics (CVO). Cependant, de par la polémique que ces solutions vont susciter, force est de constater le manque criard de crédibilité de ces remèdes miracles. Cela se vérifiera tant sur le plan socio-institutionnel que sur les dangers qu’ils représentent pour la population.
L’automédication ou auto-soin peut être entendue comme l’utilisation sans recommandation médicale de médicaments ayant reçu l’autorisation de mise sur le marché. Concernant le CVO tant vanté par les autorités malgaches il faut noter que ce prétendu médicament a été invalidé dans la communauté scientifique et institutionnelle médicale internationale. C’est à ce titre que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié un communiqué à travers lequel, elle rappelle que : « Des plantes médicinales telles que l’Artemisia annua sont considérées comme des traitements possibles du Covid-19, mais des essais devraient être réalisés pour évaluer leur efficacité et déterminer leurs effets indésirables. »
Pire, l’Etat malgache a lancé une vaste promotion du CVO sans toutefois fournir la composition complète du produit. C’est inadmissible. Les seuls éléments connus sont l’Artemisia à hauteur de 62%. Comment dès lors apporter des garanties devant de telles imprécisions scientifiques ? Madagascar avait également annoncé que les Etats de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avaient passé commande du CVO. Une affirmation qui a été démentie par la CEDEAO à travers un communiqué.
En avril 2020 l’institut de recherche du professeur Didier Raoult à Marseille en France faisait les éloges d’un traitement du Covid-19 à l’hydroxychloroquine, un médicament utilisé pour traiter le paludisme. L’hydroxychloroquine a de fervents partisans, mais ces dernières semaines, plusieurs études ont mis en doute l’efficacité de cette molécule. Toutefois, il apparait après des études chinoises et françaises que le fait de recevoir ou pas ce traitement n’a rien changé en ce sens que 76% des patients traités à l’hydroxychloroquine étaient en réanimation au bout du 21e jour alors qu’on relevait un taux de 75% avec les autres malades. D’autres risques vont faire leur apparition avec la validation de tels traitements sans le respect d’un canal scientifique pertinent. Il s’agit du glissement du marché du médicament vers une logique d’économie populaire.
Ainsi, face à de sérieuses crises sanitaires, les populations seront désormais amenées à envisager la vente locale de médicaments plutôt comme palliatif aux problèmes de pauvreté et de sous-développement. Ce phénomène va exposer les populations à de sérieux risques sanitaires.
Selon le docteur Gilles Auzemery, conseiller médical auprès de l’Agence régionale de santé Nouvelle Aquitaine en France, on relève de nombreux cas de troubles du rythme cardiaque en relation avec une automédication par hydroxychloroquine. Certains patients ont développé des symptômes tels que des étourdissements, des malaises et des palpitations lors de la prise de la molécule en automédication.
Quant au CVO, il ressort de l’Agence nationale de sécurité du médicament en France que non seulement les produits à base d’artemisia annua n’ont jusqu’alors pas fait preuve de quelconques vertus thérapeutiques ; mais en plus des personnes l’ayant pris ont développé des formes graves de paludisme lors d’un séjour à l’étranger. C’est pourquoi déjà par le passé la même agence avait interdit à plusieurs organismes la commercialisation de produits contenant l’artemisia en 2015 et 2017.
Les pays en développement n’ont pas les mêmes capacités de contrôle et de suivi des grandes puissances de l’Occident. Ainsi, il est scientifiquement inadmissible que pour une filière aussi sensible que la santé, l’on assiste à une transformation et une commercialisation libertine des molécules suscitées par des acteurs locaux. De fil en aiguille il sera également impossible de contrôler la consommation par les populations de ces dérivés illicites. De part tous ces éléments il apparait au final qu’il faut faire preuve d’une grande prudence face à ces solutions toutes faites et non soumises à des procédés rigoureux de suivi et de contrôle.
Kouam Latrille est un défenseur des droits de l’homme et promoteur du développement durable. Consultant auprès des ONGs et enseignant en milieu universitaire. Il est titulaire d’un diplôme de spécialisation en droits de l’homme de l’Université Saint Louis de Bruxelles et doctorant à l’Université catholique d’Afrique centrale.
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