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Vendre des légumes en temps de conflit et le COVID-19

Norman Taku décrit la lutte quotidienne des femmes dans le marché local de Bamenda, au Cameroun.

Dantopka Markt in Benin

Image: of Salomon Djidjoho Une vendeuse et sa fille au marché Dantokpa à Cotonou, au Bénin.

Le coronavirus est la pierre qui a aiguisé le couteau de la pauvreté, et qui est désormais impitoyable dans les parties les plus fragiles de cette société : les femmes de la partie anglophone du Cameroun.

Cette crise sanglante de coronavirus a dévoilé la vulnérabilité de notre société et accentué la précarité d’une partie des personnes les plus vulnérables de notre peuple - les femmes. Elle a occasionné des dommages et des préjudices à une nouvelle échelle pour les femmes du secteur informel de l'économie et a compromis leur capacité à apporter un soutien à la famille, une amélioration de la communauté et un développement de la société.

Au Cameroun, dans les régions déchirées par la guerre, il y a des balles et des bombes, des soldats et des civils, des meurtres et du chaos. Ma voisine Susannah n'a pas encore été violée ni abattue, mais elle a été avertie par les hommes armés - pour avoir vendu des légumes le lundi. Susannah vend des tomates, des poireaux et du céleri dans des bassines métalliques sur le marché boueux des produits frais pour sa survie. Jonas, son ami, le petit dépanneur qui dispose d’une petite boutique de « divers » a vu cette dernière brûler après l’avoir ouvert un lundi, désespéré de nourrir sa famille.

Sur l’insistance que personne ne travaille le lundi, les milices imposent une pauvreté auto-infligée. Dans un pays où relativement peu de gens ont un salaire mensuel garanti, c'est une grande partie de la population qui a besoin de travailler tous les jours, sinon ils vont mourir de faim - les motocyclistes, les vendeurs de poisson grillé, ma bien-aimée Susannah et tant d'autres encore. Depuis le début de la guerre en 2016, elle a perdu un sixième de ses revenus, car elle ne peut pas aller au marché les lundis. Lorsque vous vendez du persil pour gagner votre vie, c'est une perte colossale. Susannah est devenue éminemment plus pauvre.

Les milices ont également ordonné la fermeture des écoles, dans un choix ahurissant de sous-éduquer leur propre population. La fille de Susannah, Johanna, vient d'avoir huit ans et vend des œufs durs dans un seau en plastique transparent qu'elle porte sur la tête. Elle ne peut pas écrire son nom car les écoles ont été fermées quelques mois avant de pouvoir commencer à expérimenter la magie de dessiner des formes avec un crayon. Plutôt, Johanna se promène en ville avec le seau d'œufs. Elle va dans les bars parce qu'un œuf décortiqué avec du piment fort est une excellente collation avec une bière fraîche - parfois les hommes sous l’effet de l'alcool s’adressent à elle de manière inappropriée.

La pandémie du coronavirus est venue pour en ajouter aux souffrances des femmes et aggraver leur pauvreté. Pendant que de nombreux enfants dans le monde ont emménagé dans des classes virtuelles pour continuer à apprendre, accéder à de vastes ressources en ligne, Johanna vit dans un pays où il n'y a pas d'électricité sur une base régulière ou de l'eau courante propre, ou dans une maison avec un ordinateur ou une connexion Internet. Les parents sans revenu garanti n'ont presque pas d'autre choix que de mettre leurs enfants au travail s'ils doivent se nourrir. L'éducation et la liberté qu'elle apporte (absence d'ignorance et de pauvreté) sont sacrifiées sans arrière-pensée, car les gens ont d’abord besoin de survivre.

En période de conflit, comme la guerre au Cameroun, ce sont généralement les filles qui sont les plus durement touchées. Outre la violence sexuelle omniprésente, le rôle de soignant qui leur est confié par la société est joué ; il se manifeste de manière bénigne, puisque les filles sont affectées à des travaux ménagers et à de petites activités commerciales. Alors que la vie devient plus difficile, avec le coronavirus et au-delà, cela se transformera en manifestations plus perverses comme le mariage précoce - ici, les parents peuvent réduire le nombre de bouches qu’ils doivent nourrir et ‘’racheter l'investissement’’ d'avoir élevé leur fille en négociant un bon prix pour la mariée.

La vulnérabilité des femmes en Afrique subsaharienne et la précarité accrue de la vie des femmes en temps de guerre sont des dangers beaucoup plus graves que le coronavirus. Il n'y a pas de subventions gouvernementales pour des gens comme eux, en temps ordinaire tout comme maintenant en temps de Coronavirus. Dans certains pays voisins, le gouvernement a donné de l’argent pour soulager les poches des citoyens en leur épargnant le coût des factures d’eau et d’électricité pendant plusieurs mois. Pas ici, malheureusement.

Ceci ne sera pas la dernière pandémie de santé, alors que ferons-nous pour être mieux préparés à la prochaine ? Nous devons arrêter la guerre sanglante, laisser Susannah travailler chaque jour qu'elle peut et ouvrir les portes de chaque école, en particulier pour les filles comme Johanna. L'activité économique rentable et l'éducation sont les leviers qui permettent aux gens de sortir de la pauvreté. Sans cela, les agences de microfinances des femmes pour assister leur famille et la société sont compromises et le cycle de la pauvreté se poursuit.

Historiquement, ce sont les femmes qui ont aidé et inspiré d'autres femmes - nous devons donc renforcer les capacités de nos femmes et prendre des mesures audacieuses à travers une nouvelle politique nationale et un changement de mentalité en conséquence. Cela est la chose la plus recommandable, car c'est la bonne chose à faire. Le Cameroun a raté le train il y a 60 ans lorsque ses dirigeants n'ont pas réussi à rendre le bilinguisme facile, pratique, et accepté. La guerre ne serait probablement pas en train de sévir actuellement.

Il y a certainement la nécessité de nouvelles données scientifiques en riposte au Covid-19, mais nous aurions raté si nous ne corrigions pas d'abord un déséquilibre fondamental - l'inégalité structurelle entre les sexes - qui a exacerbé les effets de la pandémie à certains endroits. Soutenu par la culture, la religion et la tradition qui placent les femmes dans une position de soumission et d'assujettissement, le statut de deuxième classe qui est attribué aux femmes est la plus grande fraude de l'histoire de l'humanité. Traitons mieux nos femmes au lieu de reculer hardiment en termes de développement pendant que le monde avance, progresse et monte.
 

Norman Taku est consultant en développement, spécialisé dans l'éducation aux droits de l'homme et la gestion des ONG. Il est également linguiste et traducteur.


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